Pourquoi les fauteuils cannés anciens reviennent en force dans la décoration

Pourquoi les fauteuils cannés anciens reviennent en force dans la décoration

Pourquoi les fauteuils cannés anciens reviennent en force dans la décoration

Une redécouverte raisonnée : le fauteuil canné, entre charme ancien et pertinence contemporaine

Il n’a jamais vraiment quitté la scène, mais depuis quelques années, le fauteuil canné opère un retour en force remarquable dans les intérieurs, tant chez les amateurs de mobilier ancien que dans les propositions de designers contemporains. Ce regain d’intérêt n’a rien d’un caprice esthétique passager : il s’inscrit dans une dynamique plus large de réévaluation du mobilier artisanal et durable, porté par une sensibilité accrue à l’histoire des objets et à la qualité des matériaux. Et si l’on parle bien ici de fauteuils anciens, il ne s’agit pas seulement de siège au charme rustique, mais bien de pièces inscrites dans des traditions stylistiques précises, du Louis XV au modernisme des années 50.

Qu’appelle-t-on précisément un « fauteuil canné » ?

Le terme « canné » désigne une technique de garniture de siège qui utilise du canne de rotin tressé. Cette matière souple mais résistante provient de la tige du rotin, une liane tropicale utilisée depuis le XVIIe siècle en Europe. Dans le contexte du mobilier, le cannage est le plus souvent serré et régulier, encadré dans une assise ou un dossier en bois. On distingue le cannage traditionnel en damier de celui en chevrons ou en octogones, chaque motif présentant ses propres spécificités techniques et décoratives.

Il convient de différencier le fauteuil canné du fauteuil paillé, qui utilise des brins de paille de seigle, et dont le rendu visuel comme la technique sont sensiblement différents. Le cannage est souvent perçu comme plus raffiné, et historiquement associé à une clientèle bourgeoise ou aristocratique.

Un héritage artisanal bien ancré dans l’histoire du goût français

Le fauteuil canné fait son apparition dans le mobilier français au cours du règne de Louis XIV, dans les années 1660-1680. À l’époque, le cannage est importé d’Asie par les comptoirs hollandais et anglais, et il est rapidement adopté par les ébénistes parisiens. Dans un premier temps utilisé pour alléger les assises, en alternative aux garnitures en tapisserie, il séduit par sa légèreté visuelle et sa capacité à « respirer » dans les intérieurs chauffés des hôtels particuliers. Une fonction pratique qui a traversé les siècles, notamment dans les climats chauds ou les pièces fortement exposées au soleil, où le cannage s’avère plus confortable que les tissus épais.

Au XVIIIe siècle, notamment sous Louis XV, les artisans comme Jean-Baptiste Tilliard produisent des fauteuils à dossier canné dans des structures en bois sculpté et doré. Ces pièces, au style rocaille, allient légèreté d’apparence et raffinement ornemental — un contraste typique du goût du siècle. Le style évolue ensuite sous Louis XVI, de manière plus épurée, avec des lignes droites et un usage plus discret du cannage, souvent encadré par des moulures perlées ou rubanées.

Des années 1900 aux années 50 : le renouveau par les modernistes

La Belle Époque et l’entre-deux-guerres marquent une nouvelle phase pour le fauteuil canné. Il séduit les designers de l’Art déco, notamment en raison de son esthétique aérée et de sa capacité à s’intégrer dans des compositions géométriques. L’atelier de Jacques Adnet, connu pour sa rigueur formelle, a notamment produit des fauteuils combinant chrome et cannage, anticipant les lignes modernistes des années 30-40.

Mais c’est véritablement avec les grands noms du design moderne que le cannage connaît une réinterprétation radicale. Marcel Breuer, dans le cadre du Bauhaus, conçoit dès 1928 le fameux fauteuil Wassily (modèle B3), combinant tubes d’acier et éléments de cannage inspirés des fauteuils français. Plus tard, Pierre Jeanneret et Charlotte Perriand intègrent le cannage à Chandigarh ou dans les résidences corses des années 50, l’utilisant comme un matériau humble, efficace, mais riche de références culturelles.

Ce contraste entre tradition artisanale et modernité formelle a grandement contribué à la revalorisation du cannage dans le design d’aujourd’hui. Il n’est pas rare, en effet, de voir un fauteuil Louis XVI canné trôner dans un salon contemporain, à quelques pas d’une chaise Cesca de Breuer, elle-même garnie de cannage viennois.

Pourquoi ce retour aujourd’hui ? Des facteurs multiples à considérer

Plusieurs éléments expliquent cette résurgence dans les tendances actuelles :

  • La recherche d’authenticité : dans un marché saturé de meubles standardisés et sans saveur, les fauteuils cannés anciens offrent une esthétique singulière, empreinte d’histoire et de savoir-faire artisanal. Chaque pièce vintage raconte une époque et possède une patine unique, ce que les répliques industrielles ne peuvent imiter.
  • La sensibilisation à l’écologie : acheter de l’ancien, c’est éviter la surconsommation. Les fauteuils anciens, notamment ceux du XIXe siècle, sont souvent réalisés en bois massif (noyer, hêtre, chêne) avec des techniques durables. Restaurer un cannage, c’est prolonger la vie d’un objet, loin des logiques de jetabilité.
  • Le retour des matériaux naturels : en opposition aux plastiques ou aux tissus synthétiques, le rotin et le bois renaissent comme des valeurs sûres dans l’ameublement. Le cannage, en particulier, évoque un lien direct avec les matières brutes et travaillées à la main.
  • L’adaptabilité décorative : un fauteuil canné s’accorde aussi bien à un intérieur haussmannien qu’à une maison de campagne ou un loft minimaliste. Il peut jouer le rôle de pièce forte ou, au contraire, se fondre subtilement dans un décor épuré.

À quoi reconnaître un fauteuil canné de qualité sur le marché ?

Pour les collectionneurs comme pour les amateurs, plusieurs critères aident à évaluer la qualité d’un fauteuil canné ancien :

  • La finesse du cannage : un tressage régulier, tendu, sans distorsion visible, est un gage de qualité. Le nombre de points par centimètre carré donne aussi une indication sur la minutie du travail.
  • Le type de bois utilisé : les bois nobles (noyer, acajou, bois de rose) étaient privilégiés pour les fauteuils de prestige. Un vernis au tampon patiné peut également attester d’un travail ancien haut de gamme.
  • La structure générale : examinez la solidité du bâti : un fauteuil ancien bien conçu ne bouge pas lorsqu’on le manipule. Les assemblages doivent rester solides, même après 100 ou 150 ans.
  • La signature éventuelle : certaines pièces portent la marque d’un atelier (Jacob Frères, Tilliard, Faure), ou une estampille officielle (sous l’Ancien Régime notamment). Ces indices augmentent considérablement la valeur d’une pièce.

Restaurer sans trahir : l’art du cannage à l’ancienne

Le cannage est fragile, notamment lorsqu’il est exposé à une humidité excessive ou à un usage répétitif. Un fauteuil ancien dont le cannage est brisé conserve pourtant tout son intérêt. Il est possible — et même souhaitable — de le restaurer dans les règles de l’art. Des artisans spécialisés (les canneurs, ou rempailleurs dans leur acception plus large) perpétuent ces savoir-faire, qui exigent temps, précision et doigté.

Comptez entre 150 et 400 € pour refaire le cannage d’un fauteuil selon sa complexité. Il est crucial d’éviter les réparations à la colle ou avec des matériaux synthétiques, qui nuisent à l’esthétique et à la valeur de la pièce. Certaines restaurations hybrides (remplacement de l’assise cannée par un coussin en cuir, par exemple) peuvent convenir si elles sont réversibles et respectueuses du style d’époque.

Quelques repères de styles et périodes à connaître

Voici quelques exemples concrets pour mieux situer vos trouvailles cannées :

  • Style Régence (1715–1723) : formes galbées, petites dimensions, fermetures néoclassiques timides. Les fauteuils cannés à pieds cambrés sont fréquents, certains avec des dossiers en violon.
  • Style Louis XVI (1765–1790) : dossiers ovales ou en médaillon, pieds fuselés, ornementation discrète. Le cannage est fréquent, notamment pour les fauteuils dits « cabriolets ».
  • Restauration et Louis-Philippe (1815–1848) : retour du mobilier confortable, cannage simple, lignes arrondies, structure en acajou plus massif.
  • Art déco (1920–1935) : formes géométriques, usage du cannage sur des structures chromées ou laquées. Rare mais très recherché.
  • Modernisme (1950–1970) : fauteuils d’inspiration tropicale (Inde, Afrique, Brésil), soit artisanaux, soit dessinés par des architectes à l’écoute du climat local. Cannage parfois associé à des pieds en métal léger ou en teck.

Où chiner des fauteuils cannés intéressants aujourd’hui ?

Les grandes foires et salons spécialisés restent une excellente piste pour trouver des fauteuils cannés authentiques. Aux Puces de Saint-Ouen, chez Paul Bert ou Serpette, les marchands présentent une sélection couvrant plusieurs styles. À L’Isle-sur-la-Sorgue, les salons saisonniers permettent aussi de repérer des pièces de qualité à des prix plus accessibles.

Les plateformes d’antiquaires en ligne (Proantic, Antikeo, The Good Old Dayz) proposent également des pièces décrites avec rigueur, souvent restaurées, avec la possibilité de contacter directement les marchands.

Enfin, ne sous-estimez pas les ventes aux enchères régionales : un fauteuil canné y est souvent catalogué simplement comme « fauteuil de style », alors qu’il peut s’agir d’une pièce du XIXe siècle de grande tenue.

Un siège à la croisée des styles et des époques

Le fauteuil canné ne revient pas seulement parce qu’il est « tendance » ; il reflète un appétit contemporain pour l’objet-porteur d’histoire, à la fois décoratif et fonctionnel. Dans un monde dominé par la reproductibilité, il fait figure d’icône intemporelle — adaptée aux mutations du goût et aux exigences d’un habitat durable. Pour les amateurs comme pour les professionnels, il offre un terrain d’exploration passionnant tant du point de vue du style que du marché. Et si redonner une seconde vie à un fauteuil canné ancien était un geste aussi esthétique qu’engagé ?