Découverte d’une rare collection de tabatières du XVIIIe siècle

Découverte d’une rare collection de tabatières du XVIIIe siècle

Découverte d’une rare collection de tabatières du XVIIIe siècle

Une collection inédite de tabatières du XVIIIe siècle refait surface

Discrètement conservée dans une demeure privée du sud-ouest de la France depuis plusieurs générations, une collection exceptionnelle de tabatières du XVIIIe siècle vient tout juste d’être révélée au public. Cette redécouverte, saluée par plusieurs experts européens du marché de l’antiquité, ajoute un jalon important à l’histoire de ces objets d’usage élégant, devenus au fil du temps de véritables témoins du raffinement des Lumières.

Composée de plus de trente pièces, cette collection illustre avec éclat l’évolution stylistique, technique et symbolique de la tabatière dans le siècle des philosophes. Entre orfèvrerie précieuse et art miniature, chaque objet fonctionne comme un condensé des habitudes sociales, des goûts esthétiques et des savoir-faire artisanaux du siècle de Voltaire.

L’art de la tabatière au XVIIIe siècle : bien plus qu’un simple écrin

Introduit en Europe par les conquistadors au XVIe siècle, le tabac — d’abord mâché puis rapidement prisé ou fumé — gagne ses lettres de noblesse au XVIIe siècle. Mais c’est au siècle suivant que la tabatière devient un objet d’apparat, symbole de distinction sociale. Utilisée pour contenir le tabac à priser, souvent aromatisé, elle suit une codification précise tant dans ses formats que dans ses matériaux.

Une tabatière typique du XVIIIe siècle mesure rarement plus de 8 cm de long. Elle se glisse aisément dans une poche ou une manche, et est assez fréquemment dotée d’un couvercle à charnière. Mais c’est dans sa décoration et sa fabrication qu’elle révèle toute la créativité de son époque :

  • Les matériaux utilisés : or, argent, écaille de tortue, nacre, ivoire, porcelaine de Saxe, coquillage, galuchat, et bien sûr émail peint et pierres fines.
  • Les décors miniatures : portraits, paysages bucoliques, scènes galantes, compositions allégoriques, chinoiseries ou illustrations inspirées de sujets mythologiques.
  • La signature d’artisans d’exception : souvent anonymes, certaines pièces sont toutefois attribuées à des maîtres réputés comme Jean Ducrollay, Louis Roucel ou les grands émailleurs de Genève.

Dans les salons parisiens comme à la cour de Versailles, offrir ou exhiber sa tabatière était un art de vivre. Elle circulait de main en main, devenait sujet de conversation, et témoignait autant du rang que du goût de son propriétaire. Elle pouvait même servir, note-t-on dans certaines correspondances de l’époque, de moyen de séduction mondaine.

Un ensemble aussi cohérent que singulier

Ce qui distingue cette collection redécouverte, c’est son remarquable éventail typologique couvrant l’ensemble du XVIIIe siècle, de la Régence à la Révolution. Elle inclut des pièces rares datées entre 1715 et 1790, chacune soigneusement conservée dans son écrin d’origine — une rareté dans le monde du collectionnisme de tabatières.

Le collectionneur anonyme, selon les premières recherches en cours, aurait constitué cet ensemble entre les années 1920 et 1960 lors de ventes aux enchères parisiennes et d’acquisitions directes auprès de marchands spécialisés. Il est frappant de constater son souci de représentativité et son œil aiguisé, oscillant avec subtilité entre les grands centres de production (Paris, Genève, Hanau, Dresde) et les maisons d’orfèvrerie secondaires.

Parmi les pièces les plus remarquables :

  • Une tabatière en or émaillé de style rocaille, ornée d’un décor pastoral signé du genevois Petitot (vers 1745), dans une exécution d’une finesse exceptionnelle.
  • Une monture en galuchat vert amandine mise en valeur par des incrustations de nacres algériennes, typique du goût orientaliste qui gagne la France dans les années 1770.
  • Une tabatière révolutionnaire en porcelaine de Sèvres datée de 1791, frappée de la cocarde tricolore et de l’inscription « Liberté, Égalité » — exemple rare et précieux d’un usage patriotique de l’objet.

Un élément particulièrement séduisant dans cette collection : l’absence quasi totale de restaurations lourdes. Cela permet une lecture presque archéologique de chaque pièce, laissant intactes les traces, parfois bien visibles, de leur usage quotidien et de leur histoire matérielle.

Datation, authenticité et tendances du marché

D’un point de vue marchand, cette redécouverte pourrait affecter durablement le marché restreint, mais dynamique, des objets de tabac d’époque moderne. Évaluée conservativement à plus de 250 000 euros au total, la collection sera prochainement proposée à la vente, possiblement en un seul lot dans une grande maison parisienne, ou démembrée en plusieurs vacations selon les pièces.

Il est à noter que le marché des tabatières XVIIIe, bien que discret, reste soutenu, particulièrement auprès des collectionneurs britanniques, allemands et américains. Les œuvres signées, en or et émail fin, avec une iconographie identifiable ou une provenance documentée, atteignent régulièrement des prix variant entre 8 000 et 30 000 euros.

Mais la datation précise reste souvent un enjeu complexe : rares sont les tabatières signées ou datées explicitement. L’analyse stylistique, la confrontation avec des modèles de musées (notamment du musée Cognacq-Jay ou du Louvre), et les poinçons d’orfèvre sont les outils essentiels d’attribution.

Les restaurateurs spécialisés — tels que les ateliers Jean-Michel Dubourg à Paris ou L’Atelier du Temps Passé — peuvent également jouer un rôle crucial dans l’authentification ou la consolidation des pièces fragiles, notamment en émail ou en galuchat.

Quand la tabatière illustre une micro-histoire de son siècle

Si une tabatière peut captiver par sa beauté, elle séduit encore davantage lorsqu’on la replace dans son époque. Chaque spécimen est en soi un document d’histoire sociale :

  • On retrouve des tabatières à message politique, comme celle à l’effigie de Louis XVI détrôné mais encore aimé, remise à jour en 1793 dans cette collection.
  • D’autres évoquent la mode des « bonnets phrygiens miniatures » ou des motifs exotiques inspirés des voyages des Compagnies des Indes.
  • Les décors bucoliques façon Boucher ou Fragonard nous rappellent à quel point la tabatière était aussi un support de la culture picturale de salon.

Un petit objet qui voyage de poche en poche, de province en Académie, du salon à la Révolution. C’est précisément dans cet aller-retour permanent entre l’intime et le public, le personnel et le politique, que réside tout le charme de l’univers des tabatières.

Où les admirer (et peut-être en acquérir une)

La maison de ventes en charge de la dispersion organisera une exposition publique courant septembre à Paris. Les objets seront présentés individuellement, avec leurs descriptions détaillées et références bibliographiques, notamment extraites du fameux ouvrage de Catherine Arminjon, Les Tabatières du XVIIIe siècle, (Éditions de l’Amateur, 1990), aujourd’hui considéré comme une référence incontournable.

Pour les collectionneurs, c’est une occasion rare d’acquisition d’objets à la fois historiquement et esthétiquement significatifs. Pour les simples curieux, ou les amateurs d’histoire, c’est une porte entrouverte sur un univers souvent négligé dans les grands récits muséologiques, mais essentiel pour comprendre les codes culturels d’un siècle qui, encore aujourd’hui, continue de fasciner.

Alors, la prochaine fois que vous croiserez une petite boîte émaillée dans une vitrine aux Puces de Saint-Ouen ou dans le coin d’un stand à la Foire de Maastricht, posez-vous cette question : n’y aurait-il pas là un bout d’Histoire à portée de main ?