Les faïences françaises les plus recherchées par les collectionneurs

Les faïences françaises les plus recherchées par les collectionneurs

Les faïences françaises les plus recherchées par les collectionneurs

Une passion française façonnée par le feu

Depuis près de quatre siècles, la faïence française suscite la convoitise des collectionneurs. À mi-chemin entre artisanat d’art et patrimoine culturel, elle raconte une histoire riche en styles, en techniques et en influences. Si chaque région a sa signature, certaines manufactures, couleurs ou décors sont aujourd’hui particulièrement prisés sur le marché de l’antiquité. Quels sont donc les types de faïences françaises les plus recherchées par les collectionneurs ? Où reconnaître la valeur d’une pièce ? Et pourquoi certains noms résonnent comme des talismans dans les salons d’antiquaires ou les ventes aux enchères ? Explorons ensemble cet univers raffiné.

Saintes icônes : les faïences de Moustiers, Nevers et Rouen

Trois noms surgissent immédiatement lorsqu’on parle de prestige et de désirabilité dans la faïence française : Moustiers, Nevers et Rouen. Leur réputation s’est construite à partir du XVIIe siècle, quand ces centres ont atteint un niveau de technique et de raffinement inégalé.

Moustiers, dans les Alpes-de-Haute-Provence, devient au XVIIIe siècle l’un des grands pôles de création de faïence fine. Sa spécialité : le décor en camaïeu bleu ou polychrome, souvent inspiré de gravures italiennes ou de sujets bibliques. Les amateurs apprécient notamment les pièces signées de la main de Clérissy ou Ferrat, familles emblématiques de la production moustérienne. Les plats à décor grotesque, les guirlandes rocaille ou encore les scènes mythologiques figurent parmi les pièces les plus disputées aujourd’hui.

Nevers, quant à elle, est reconnue pour avoir été la première à importer la technique de la faïence en France à la fin du XVIe siècle. Sa particularité réside dans une palette vive (bleu, jaune, vert, manganèse) et dans ses compositions très narratives, parfois influencées par les majoliques italiennes. Les assiettes aux thèmes révolutionnaires ou aux blasons nobiliaires attirent les collectionneurs français et étrangers.

Rouen, enfin, développe dès le XVIIe un style délicat et orné, notamment en camaïeu bleu inspiré des porcelaines de Chine. Mais c’est surtout le décor orné « à la corne » — motif typique fait de fleurs jaillissant d’un vase en forme de corne — qui établit une signature régionale. Les pièces portant le cachet des familles Poterat ou Masséot Abaquesne sont très recherchées lorsqu’elles sont en bon état et datées avec précision.

Les incontournables du XIXe siècle : Gien et Sarreguemines

Avec l’industrialisation croissante au XIXe siècle, de nouvelles manufactures gagnent en importance, à commencer par deux piliers : Gien et Sarreguemines. Elles ont su conjuguer production qualitative et diffusion à grande échelle, tout en gardant un œil sur la tradition décorative.

Gien, fondée en 1821, se signale par des décors néo-Renaissance, floraux ou orientalistes. Le « service à la perle » et les scènes de chasse sont particulièrement courus. Les pièces les plus cotées ? Les grandes plats historiés, qui mêlent un dessin fin et des couleurs profondes, souvent inspirés de tapisseries du Moyen Âge ou de la Renaissance. Le revers des pièces comporte souvent une marque datée, essentielle pour confirmer leur authenticité.

Sarreguemines, située en Moselle, excelle aussi bien dans la vaisselle courant que dans les faïences artistiques. Les décors trompe-l’œil, les motifs floraux naturalistes et surtout les « majoliques » constituées d’émaux vifs séduisent fortement les amateurs. La manufacture a collaboré avec des artistes comme Émile Gallé, ce qui en fait un acteur charnière entre tradition et Art nouveau.

La faïence révolutionnaire de Lunéville et les influences de l’Art nouveau

La manufacture de Lunéville (Meurthe-et-Moselle), fondée en 1730, se distingue aussi bien par ses productions rocaille du XVIIIe que par ses innovations au tournant du XXe siècle. Ce sont notamment les créations d’artistes comme Louis Majorelle ou Émile Gallé, implantés en Lorraine, qui impulsent un nouvel élan à la faïence en y introduisant l’esthétique végétale et fluide typique de l’Art nouveau.

Les pièces recherchées ? Vases asymétriques, services floraux, et statuettes animalières qui évoquent les préoccupations esthétiques fin-de-siècle. Lorsqu’elles sont marquées et attribuées aux décennies 1895–1910, ces faïences peuvent atteindre des prix notables sur le marché spécialisé.

Objets de collection : que recherchent exactement les collectionneurs aujourd’hui ?

Les critères de collection ont évolué, mais une constante demeure : l’authenticité. Une pièce signée, datée, avec un décor typique bien identifié, suscite toujours plus d’intérêt qu’un objet sans provenance claire. Toutefois, on observe certaines tendances émergentes.

  • Les pièces rares à usage décoratif : plats à suspendre, jardinières, encriers ou bénitiers attirent les collectionneurs qui souhaitent lier passion historique et mise en scène intérieure.
  • Les motifs régionalistes : coqs bretons, paysages provençaux, scènes basques… Séduisent ceux en quête d’un patrimoine local à valoriser, dans un contexte de redécouverte des arts modestes.
  • Les faïences à message ou à texte : faïences satiriques, assiettes révolutionnaires ou à devise spirituelle marient esthétique et contenu narratif, ce qui les rend particulièrement attrayantes pour une lecture historico-politique de l’objet.
  • Les collaborations artistes/manufactures du XIXe et début XXe, à l’image de Gien ou Lunéville travaillant avec des céramistes réputés, sont l’objet de collections spécifiques, souvent constituées autour d’un artiste ou d’un courant décoratif.

Comment repérer une pièce de qualité ? Quelques indices à connaître

Dans un marché où pullulent les productions de second ordre, savoir identifier une vraie pièce d’intérêt est essentiel. Voici quelques repères pratiques :

  • La marque ou le cachet : de nombreuses faïences portent au dos une marque de manufacture, parfois accompagnée d’une date ou d’un monogramme d’artiste. À ne pas confondre avec des cachets modernes mimant l’ancien.
  • La finesse du décor : un bon décor se reconnaît au trait précis, aux couleurs bien cuites, et à la cohérence stylistique. Les pièces peintes à la main révèlent souvent de minuscules irrégularités qui en font tout le charme.
  • Les traces d’usure : une usure légère, visible sur l’émail ou les bords, peut rassurer sur l’ancienneté. À l’inverse, une faïence trop « parfaite » peut être une reproduction tardive.
  • L’état général : craquelures (lignes fines présentes dans l’émail), égrenures (éclats sur le pourtour) ou fendillements doivent être indiqués par le vendeur. Une pièce restaurée peut conserver un intérêt, mais sa valeur sera affectée.

Et sur le marché ? Cotes, tendances et vigilance

Le marché de la faïence française reste soutenu, avec une clientèle toujours curieuse et internationale. Certaines pièces atteignent des valeurs remarquables — notamment dans les ventes aux enchères spécialisées où les provenances sont certifiées et les restaurations contrôlées.

Mais ne nous y trompons pas : toutes les assiettes de Gien ou de Sarreguemines n’atteignent pas des sommets. Ce qui fait la différence : la rareté, l’état impeccable, le décor hors norme ou le contexte historique (pièce commémorative, événement marquant, provenance noble…). Par exemple, un plat de Nevers du XVIIe siècle avec un blason attribuable à une grande famille française peut aisément dépasser les 15 000 €, tandis qu’une assiette de Gien des années 1930 oscille entre 80 et 300 € selon son état et son décor.

Les salons spécialisés et foires régionales restent des lieux propices à la découverte. Faites le détour, par exemple, par le Salon des Antiquaires de L’Isle-sur-la-Sorgue ou encore celui de Paray-le-Monial, où de nombreux marchands proposent des faïences validées et documentées. Méfiance toutefois sur les pièces sans papiers ni étiquette : n’hésitez pas à poser des questions ou à demander des photos complémentaires.

Un patrimoine vivant, entre collection et transmission

Derrière chaque plat de Rouen, chaque jardinière de Sarreguemines ou chaque assiette révolutionnaire de Nevers, il y a une époque, un goût, une main. Posséder une faïence ancienne, ce n’est pas seulement décorer un intérieur : c’est établir un dialogue avec l’histoire du goût français, son artisanat, et sa capacité à réinventer la tradition.

Et vous, quels décors vous parlent ? Fleuris, grotesques, mythologiques ou républicains ? Si la faïence française connaît autant de styles qu’il y a de terroirs, c’est précisément ce qui en fait un champ d’exploration inépuisable. Une chose est sûre : elle n’a pas fini de séduire les collectionneurs curieux, exigeants et passionnés. Comme vous, peut-être.